Dérogations à certains droits des personnes concernées en vertu de l’article 89
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L’article 89(2) du RGPD stipule : “Lorsque des données à caractère personnel sont traitées à des fins de recherche scientifique ou historique ou à des fins statistiques, le droit de l’Union ou des États membres peut prévoir des dérogations aux droits visés aux articles 15, 16, 18 et 21, sous réserve des conditions et garanties visées au paragraphe 1 du présent article, dans la mesure où ces droits sont susceptibles de rendre impossible ou de compromettre gravement la réalisation des finalités spécifiques, et où ces dérogations sont nécessaires à la réalisation de ces finalités.”Avec l’article 14, paragraphe 5, point b), cette clause introduit plusieurs dérogations concernant les droits des personnes concernées (voir la section “Droits des personnes concernées” dans la partie II des présentes lignes directrices), à savoir :

  • Droit d’accès (article 15 du RGPD) : Conformément à l’article 89, il est possible de limiter le droit d’accès des personnes concernées. Cette limitation concerne à la fois les données à caractère personnel qui ont été traitées pour la recherche et celles qui ont été obtenues à la suite de l’analyse ou des procédures développées. Dans le domaine biomédical, par exemple, cela concerne tout résultat obtenu à partir d’examens ou de procédures corporelles, l’analyse de leurs échantillons ou de leurs données, etc.
  • Droit de rectification (article 16 du RGPD) : Le droit de faire rectifier ou compléter des données inexactes ne revêt pas une grande importance dans la recherche scientifique (il peut être plus pertinent, par exemple, dans la recherche historique). Sa limitation ne l’est pas non plus. La méthodologie de la recherche scientifique exige la précision et la fiabilité des informations traitées afin d’obtenir des conclusions solides, il sera donc dans son propre intérêt d’exiger cette précision ;
  • Limitation du traitement (article 18 du RGPD) : Lalimitation du traitement “désigne le marquage des données à caractère personnel stockées dans le but de limiter leur traitement à l’avenir” (article 4, paragraphe 3, du RGPD). Les données à caractère personnel dont le traitement est limité ne sont pas supprimées et sont conservées à des fins différentes, mais ne peuvent pas être utilisées ou transférées au-delà de ce périmètre. Dans le cadre d’une enquête, l’exercice de ce droit pourrait entraver la continuité de l’enquête ou la publication des résultats dans sa première phase (limitation de la continuité de son utilisation). C’est pourquoi cette dérogation a un sens.
  • Droit d’opposition (article 21 du RGPD) : Le droit d’opposition permet à la personne concernée dont les données à caractère personnel sont traitées en vertu de tout motif juridique autre que le consentement de s’opposer au traitement. Cette possibilité est la base des systèmes dits d’opt-out (dans lesquels le consentement à l’utilisation des données à des fins de recherche est présumé), et fondamentale pour les cas dans lesquels le consentement au traitement n’est pas requis (articles 5 et 9 du RGPD). Le fait de soulever des exceptions à ce droit a des conséquences importantes pour l’autonomie des personnes concernées, car cela peut impliquer que les données sont utilisées contre leur volonté. La justification de ces exceptions, en tant qu’obstacle qu’elles peuvent représenter pour la recherche, serait assez simple dans tous les cas où ces données sont pertinentes pour la recherche.
Exemple : Recherche sur les maladies rares

La recherche sur les maladies rares s’appuie souvent sur des données personnelles obtenues auprès d’un nombre assez restreint de personnes concernées (en raison de la nature pure des maladies rares). Par conséquent, si un nombre important de personnes participant à la recherche décident d’exercer leurs droits de restriction et/ou d’objection, la représentativité et la fiabilité des données de recherche pourraient s’en trouver considérablement compromises. En outre, les chercheurs pourraient être confrontés à de graves problèmes en termes de publication, puisqu’ils ne pourraient pas fournir ces données à l’éditeur. Par conséquent, dans de telles circonstances, le responsable du traitement pourrait utiliser les dérogations à ces droits prévues par l’article 89.

Les responsables du traitement doivent toujours garder à l’esprit que “toute dérogation à ces droits essentiels de la personne concernée doit être soumise à un niveau d’examen particulièrement élevé, conformément aux normes requises par l’article 52, paragraphe 1, de la Charte”. Par conséquent, les dérogations prévues par l’article 89, paragraphe 2, du RGPD ne sont possibles que si les conditions et les garanties requises par l’article 89, paragraphe 1, sont satisfaites.

En outre, en vertu de l’article 89, paragraphe 2, les dérogations ne peuvent être appliquées que “dans la mesure où” les droits auxquels il est dérogé sont “susceptibles de rendre impossible ou de nuire gravement à la réalisation des finalités spécifiques, et où ces dérogations sont nécessaires à la réalisation de ces finalités”.[1] Enfin, les responsables du traitement doivent considérer que “le fait que la mise en place de mesures techniques et organisationnelles visant à fournir l’accès et d’autres droits aux personnes puisse nécessiter des ressources financières et humaines ne constitue pas en soi une justification valable pour déroger aux droits des personnes au titre du RGPD”. [2]

Enfin, en ce qui concerne uniquement les données traitées à des fins d’archivage dans l’intérêt public, le droit de l’Union ou des États membres peut prévoir, en plus de celles mentionnées ci-dessus, des dérogations au droit de notification concernant la rectification, l’effacement ou la limitation du traitement (article 19) et au droit de portabilité (article 20)[3] . Là encore, il faut que l’exercice de ces droits puisse rendre impossible ou compromettre gravement la réalisation des finalités spécifiques et que ces dérogations soient, en conséquence, nécessaires à la réalisation de ces finalités.

 

Dérogations au droit à l’effacement ou au droit à l’oubli

Conformément à l’article 17, paragraphe 3, point d), ce droit ne s’applique pas dans la mesure où le traitement est nécessaire à des fins d’archivage dans l’intérêt public, à des fins de recherche scientifique ou historique ou à des fins statistiques conformément à l’article 89, paragraphe 1, dans la mesure où il est susceptible de rendre impossible ou de compromettre sérieusement la réalisation des objectifs de ce traitement.

De même, les dérogations au droit à l’effacement s’appliqueront directement, sans que les États membres aient besoin de les développer.

 

 

  1. CEPD, Avis préliminaire sur la protection des données et la recherche scientifique, 2020, p. 21. A l’adresse suivante : https://edpb.europa.eu/sites/edpb/files/files/file1/edpb_guidelines_202003_healthdatascientificresearchcovid19_en.pdfConsulté : 15 janvier 2020.
  2. Avis du CEPD sur les garanties et les dérogations au titre de l’article 89 du RGPD dans le cadre d’une proposition de règlement sur les statistiques agricoles intégrées, 2017. p.3. À l’adresse : https://edps.europa.eu/sites/edp/files/publication/17-11-20_opinion_farm_statistics_en.pdf. Consulté le : 17 janvier 2020.
  3. Voir l’article 89, paragraphe 3, du règlement.

 

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